Tournage en cours : reportage dans un espace-rencontre.
À Limoges, le Trait d’Union de l’ALSEA est une « bulle ». L’espace rencontre permet de sécuriser et d’apaiser les droits de visite de familles séparées. C’est un dispositif au cœur des problématiques de société actuelles. Plusieurs parents y font l’objet de mesures de protection.
Pour en savoir plus
Professionnellement, ce tournage est passionnant. C’est souvent le cas quand je travaille avec l’ALSEA.
Travail social, ce mal-connu
D’abord, il y a l’enjeu de comprendre le travail mal connu de ces professionnel-le-s de l’action sociale et de l’enfance.
L’espace rencontre est un dispositif assez récent. « Mal connu et c’est vraiment dommage » disait un parent protégé.
Et les travailleurs sociaux sont souvent les moins à l’aise pour parler de leur métier.
Une difficulté aux explications multiples.
Parfois une tendance naturelle de ces professionnel-le-s à se pencher plus sur les autres que sur soi.
Ensuite par crainte d’incompréhension. Le travail social se penche souvent sur les marges de la société. Et la société n’est pas toujours prête à porter un regard bienveillant ou compréhensif sur celles-ci.
Détresse sociale, maladie mentale ou violences conjugales sont des situations difficiles à vivre. Et très difficiles à évoquer dans la sphère publique quand on s’y trouve confronté.
« Je ne veux pas que ce soit Loft Story »
Tourner dans un service d’action sociale, c’est savoir poser l’œil de la caméra avec discrétion.
« Je ne veux pas que ce soit Loft Story » m’a dit un parent interviewé.
L’anonymat des personnes, majeures ou mineures, est bien sûr une condition sine qua none. Vous me direz : c’est simple, il suffit de flouter.
Sauf que nous avons habitué notre œil à des codes visuels. À force de le voir à la télévision, une personne floutée, dans notre cerveau de spectateur, c’est souvent un criminel.
Or il s’agit ici de parents qui s’organisent pour essayer de tenir leur rôle malgré leurs difficultés.
Il me faut donc trouver d’autres moyens pour anonymiser sans rendre suspect.
Ce genre de tournage oblige à s’immiscer dans la vie privée. Cela exige de la discrétion, à tous les sens du terme.
« Parlez moi de vous… »
Enfin, c’est un tournage passionnant dans l’exercice de l’interview. Ici, peu de personnes sont des habitué-e-s de l’exercice.
La première difficulté, pour les moins à l’aise, réside dans la crainte pour eux de dévoiler leur vie privée. Le prénom de l’enfant est ce qui échappe le plus facilement. Essayez de parler de vos enfants pendant 15 minutes sans jamais citer leur prénom.
Plusieurs de ces personnes sont en plus en attente d’audiences auprès des juges aux affaires familiales. La crainte est présente d’un propos qui dessert.
Enfin, la difficulté générale, c’est toujours la crainte d’être jugé par l’inconnu qui tend le micro. Passer par un espace rencontre comme le Trait d’Union ne se fait pas de gaité de cœur. C’est la suite d’un échec dans sa vie conjugale et parentale. Ce n’est pas le genre de sujet qu’on peut aborder de but en blanc avec n’importe qui.
Ce reportage est donc une série de défis professionnels.
C’est stimulant.